Il m’arrive souvent d’affirmer que la microbrasserie La Montagnarde fait partie des brasseries artisanales françaises les plus talentueuses. Elle s’est confortablement installée dans le top 10 français sur Untappd, et ce après seulement quelques années d’existence. La brasserie se distingue notamment par sa capacité à très bien réaliser de nombreuses bières de styles différents : des saisons, des bières acides, des IPA, des bières noires, mais aussi et surtout des bières qui laissent la part belle à la nature, leurs bières incluant souvent des fruits, des plantes ou des agrumes, qui sont parfois récoltés à la main à quelques encablures de la brasserie. Certaines d’entre elles passent ensuite quelques mois dans des barriques, exposées à même le flanc de la montagne et à l’air pur de Savoie.

Avec cette belle réputation et le nombre de nouvelles bières créées chaque année, on en oublierait presque que le terme « microbrasserie » fait partie intégrante du nom de la Montagnarde, un terme qui prend tout son sens lorsque l’on visite la brasserie et que l’on découvre les volumes qui sont réellement produits. Si Fanny et Christophe ne marquent pas le nombre de bouteilles produites pour chaque bière, certains brassins ne permettent même pas d’atteindre les 100 bouteilles. Des quantités minimes, qui sont un peu dictées par la capacité de production, mais qui sont surtout liées à la volonté des brasseurs de toujours expérimenter, de faire découvrir de nouvelles saveurs tout en revisitant des styles à travers leur terroir.
Etant abonné à leur compte Instagram, j’étais déjà admiratif du paysage entourant la brasserie située à 700m d’altitude. Lorsque j’ai enfin pu me rendre sur place, il a été difficile d’en repartir tant l’échange avec Fanny et Christophe s’est avéré enrichissant, sans compter les découvertes des dernières créations de la brasserie, telles que des bières à la framboise, aux fleurs de sureau, ou aux pissenlits, qui se sont toutes révélées être excellentes.
Fanny, Christophe, racontez-nous comment est né ce projet ?
Christophe : Ce projet c’est d’abord une reconversion, auparavant j’étais directeur informatique sur Paris et Lyon mais j’avais envie de revenir dans ce cadre de vie. J’ai travaillé dans une ferme en biodynamie, puis nous nous sommes installés ici. A l’origine je voulais faire des vins de fruits, comme le faisait mon grand-père. Lorsque j’ai enfin reçu mon matériel, il était trop tard pour les fruits, du coup je me suis lancé dans les céréales ! On s’est très vite pris au jeu. J’aimais la bière et la chimie, le processus de brassage, le bricolage, les normes, tout cela m’intéressait…
Fanny : La première année nous avons brassé pas moins de 50 fois ! On brassait une fois par semaine, après notre travail, de 18h à 23h. C’était des brassins qui ne faisaient que 5 litres mais ça nous amusait. On faisait plein d’essais et la cuisine était remplie de dames jeanne ! Nous avons ainsi réalisé plus de 200 brassins en amateurs avant de nous lancer officiellement en 2016.

Le monde amateur, vous le connaissez bien il me semble. J’ai également souvent le loisir de lire des commentaires de Christophe sur les réseaux sociaux qui viennent enrichir les échanges qui peuvent avoir lieu notamment sur les levures ou les processus de brassage. C’est de ce monde-là que te vient toute cette culture bière ?
Christophe : Oui en effet. Je m’investissais de plus en plus dans le monde du brassage amateur et petit à petit j’ai fini par devenir administrateur du forum « brassage amateur ». Cela m’a permis de faire la connaissance de nombreux autres brasseurs. C’est ainsi que nous avons fait la connaissance des brasseries comme Popihn, Piggy Brewing Company, Hoppy Road ou encore Iron, qui sont la seconde génération des brasseurs et qui se sont toutes lancées à peu près en même temps que nous. Avec d’autres brasseurs amateurs, nous nous sommes aussi lancés dans la traduction d’articles américains et notamment du BJCP, le guide référençant les styles de bières existants, ce qui m’a permis d’enrichir mes connaissances.
Qu’est-ce qui vous anime au quotidien, comment définiriez-vous votre projet ?
Fanny : On cherche avant tout à se faire plaisir à travers notre métier et à faire plaisir aux gens qui boivent nos bières. Ce projet, c’est un projet de vie qui nous permet aussi de concilier notre vie personnelle et notre vie professionnelle puisqu’on travaille tous les deux ensembles et à la maison !

Quels sont vos rôles respectifs au sein de la brasserie ?
Christophe : Nous avons appris à brasser ensemble et aujourd’hui nous élaborons toutes nos bières à deux, de la recette à la réalisation en passant par la dégustation. Pour ma part je m’occupe plus particulièrement des aspects techniques, cela passe par les réglages de nos outils de brassage mais aussi bien sûr de l’informatique.
Fanny : Je m’occupe notamment de la vente et de la logistique mais je prends aussi une part active dans la production.
Ayant pu me rendre dans certaines brasseries telles que Cantillon ou Ammonite, je dois avouer que de voir des barriques exposées comme ça à l’air libre, ça me surprend un peu !
Oui ça surprend beaucoup de monde! La première année on n’avait pas trop de place mais on voulait vraiment se lancer alors on a fait l’essai de mettre une barrique dehors. Cet hiver-là, les températures sont descendues jusqu’à -17°C mais les bières n’ont pas gelé et le résultat était satisfaisant alors on a poursuivi avec toujours plus de barriques, jusqu’à en avoir tout autour de la maison. Aujourd’hui c’est devenu en quelque sorte notre signature.

Est-ce qu’il y a eu un évènement marquant dans l’histoire de la brasserie, quelque chose qui a été un déclencheur de l’enthousiasme qu’il peut y avoir pour vos bières ?
On peut dire que l’édition du Lyon Bière Festival d’il y a trois ans a été une belle aventure. Le LBF c’est un peu le DJ set de l’année, il ne faut pas se louper, il est nécessaire de cibler ses programmations de fûts et cela demande trois mois de travail au préalable, afin de déterminer ce que l’on va apporter et que chaque bière soit vraiment au top le jour J. Cette année-là, cela devait être nos tous premiers fûts, nous avions apporté une bière de fermentation spontanée d’un an d’âge, une brett IPA, un imperial stout vieilli en barrique, des trucs assez originaux qui n’étaient que des essais de 30 à 40 litres ! A la fin de la première journée, notre imperial stout était classée numéro 1 du festival sur Untappd. Le lendemain, tout le monde voulait prendre nos bières ! C’était de la folie !

Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur les ingrédients que vous utilisez pour brasser vos bières ?
Le plus important des ingrédients, c’est l’eau. Nous avons la chance d’être reliés à une source. C’est une eau qui est peu calcaire pour la région mais qui varie en fonction des saisons. On adapte ainsi le style des bières que nous brassons au cours de l’année. Une partie des malts que nous utilisons sont bios et produits localement mais on ne veut pas se figer avec un label. Nous utilisons aussi un peu de houblons que nous faisons pousser nous-même. Enfin, pour ce qui est des levures, soit nous n’en ajoutons pas puisque certaines de nos bières sont issues d’une fermentation spontanée, soit nous utilisons nos propres souches de levures. Certaines de nos souches ont été isolées en déposant des pots un peu partout autour de la maison, puis nous avons fait des analyses de PH, des essais dans des moûts, des tests organoleptiques, et finalement nous avons réussi à isoler deux souches qui donnaient des résultats qui nous plaisaient et qui sont celles que nous utilisons aujourd’hui pour nos bières spéciales.
Est-ce que vous pouvez nous parler d’une bière à venir en exclusivité pour les loups qui lisent cet article ?
C’est difficile de parler de nos bières préférées car beaucoup sont des brassins très éphémères et qui partent très vite vu les quantités. Nous avons fait plusieurs collab avec Popihn ou encore l’Apaisée, en essayant d’apporter notre savoir-faire et ça devrait sortir en plus grande quantité en début d’année 2021.

Où peut-on se procurer vos bières ?
Ça c’est pas le plus simple ! Ici directement à la brasserie (oui oui ça vaut le coup de venir) sur notre site Internet même si les livraisons sont compliquées à mettre en place, chez de nombreux cavistes (nous travaillons avec un distributeur et nous espérons bientôt travailler avec un second, notamment pour la région parisienne) ainsi que sur quelques webshops et notamment sur celui de Bieronomy.

Pour conclure, parlons bières et mets ! Y’a-t-il un accord particulier que vous apprécier avec vos bières ?
Alors nous, notre gros kiff, c’est le fromage de Savoie ! D’ailleurs, nous donnons nos drêches à un producteur de reblochon. On accorde beaucoup nos bières avec nos fromages régionaux et on ne s’en lasse pas !

Merci à Fanny et Christophe pour le temps qu’ils m’ont consacré. Vous pouvez les retrouver aux côtés des brasseries Cantillon, Antidoot, Bokke, Burning Sky, Ales Agullons et Trois Dames dans ce superbe reportage consacré aux brasseurs de bières de fermentation spontanée.
Et pour découvrir leurs bières, vous pouvez commander cet assortiment découverte directement sur mon site Breuvages.fr.